Pour faire face à la désindustrialisation en France, les projets industriels pourraient bénéficier de plusieurs exemptions environnementales notamment en termes de consultation.
Dans le cadre du plan Ambition Industrie, le gouvernement de Michel Barnier a proposé un projet de décret, soumis par le ministère de la Transition écologique à une consultation publique qui s’est terminée le 27 décembre 2024. Derrière la mise à pied de la CNDP, ce projet de décret cherche finalement à exclure les citoyens des procédures de décisions des projets industriels. France Nature Environnement Bouches-du-Rhône s’y oppose et l’a fait savoir à la Ministre de la Transition Ecologique à travers le courrier qui suit.
Marseille, le 26 décembre 2024
Madame Agnès PANNIER-RUNACHER
Ministre de la transition écologique
Hôtel de Roquelaure
2456 bd St-Germain
75007 PARIS
Objet : Opposition au projet de décret modifiant les catégories de projets soumis à la CNDP
Madame la Ministre,
Vous envisagez de réduire le périmètre des projets soumis à saisine obligatoire de la CNDP.
Comme l’ensemble des associations environnementales, nous sommes scandalisés par une telle orientation, qui constitue une atteinte à notre démocratie et porte en germe des risques majeurs en matière de protection de la nature et de l’environnement.
L’expérience actuelle des nombreux projets industriels sur Fos-sur-Mer montre à quel point les garants CNDP ont joué un rôle majeur dans l’organisation des concertations : contacts préliminaires avec les parties prenantes, équilibre des débats, disponibilité des documents et synthèses …
Nous avons vécu un contre-exemple majeur : le projet RTE de ligne THT aérienne entre Fos et Jonquières-St-Vincent a bénéficié de la possibilité dérogatoire dite concertation Fontaine, qui consiste en un simulacre de concertation. Ainsi “concerté”, le projet RTE “retenu” fait aujourd’hui quasiment l’unanimité contre lui : élus, socio-professionnels de l’agriculture et du tourisme, milieux culturels, gestionnaires d’espaces naturels, associations, riverains … regroupés dans le Collectif STOP THT 13/30. A vouloir gagner du temps, on en perd.
L’argument de l’urgence maintes fois avancé par les ministres et les porteurs de projet ne tient pas à l’analyse sérieuse des projets : la lecture de la presse spécialisée et de la presse internationale suffit, par exemple, à constater que les filières hydrogène et séquestration du gaz carbonique, pour ne citer qu’elles, ne seront pas mûres avant plusieurs années.
En agissant ainsi, l’Etat provoque une perte de confiance dans le processus démocratique et alimente la colère contre l’État qui semble jouer avec les règles qu’il a lui même mis en place et favoriser une seule solution prédéfinie en amont des consultations … Tout cela laisse penser aux acteurs des territoires concernés qu’ils ne sont pas adultes devant des enjeux qui les dépasseraient ! La déception et la frustration engendrées poussent les acteurs au rapport de force et à l’affrontement, au détriment de solutions négociées et apaisées.
« Fragiliser la CNDP, c’est renoncer à une participation démocratique citoyenne et instaurer un système au sein duquel les gouvernants sont les seuls à décider ce qui doit être débattu »
Alors oui, concertons, sérieusement, avec les élus, associations de proximité, les acteurs économiques mais aussi avec les meilleurs spécialistes du moment, français et étrangers. Souvent, la concertation permet d’amender positivement les projets. La limiter, c’est oublier que les salariés d’une nouvelle entreprise sont d’abord des citoyens (avec leurs familles) du territoire concerné, directement concernés par l insertion du projet dans le territoire.
Nous disposons en France, avec la CNDP, d’un outil merveilleux, opérationnel, indépendant. Laissons-là faire son travail, et elle le fait bien.
Maintenons les obligations de saisine de la CNDP telles qu’elles existent !
Richard Hardouin, Président de France Nature Environnement Bouches-du-Rhône